Considéré il y a encore peu de temps comme une pratique marginale ou exceptionnelle, le télétravail prend de l’ampleur. D’une part parce qu’il répond aux aspirations de plus en plus fortes des Français qui souhaitent apporter davantage d’équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle. D’autre part parce que les nouvelles technologies de l’information transforment le rapport que les salariés entretiennent avec leur lieu de travail au sein des entreprises françaises. Dans ce contexte pourquoi ne pas travailler de chez soi ? Une évolution qui préfigure une vraie révolution dans l’organisation du travail. Greenkub fait le point pour vous sur ce nouveau phénomène de société.

Les chiffres le démontrent très clairement : l’essor du télétravail est bien là, avec une progression de 11 % relevée en moins d’un an, selon une étude récente de Michael Page. En 2018, 38 % des salariés français déclaraient qu’ils ont dorénavant la possibilité de travailler de chez eux, contre près 27 % en 2017. 44 % de celles et ceux qui ont l’autorisation de télétravailler ont pu le faire au moins deux fois par mois en 2018 contre 31 % en 2017.

Le télétravail concerne aujourd’hui 29% des salariés du privé en France (5,5 millions de personnes), contre 25% en 2017, selon une autre étude IFOP pour Le comptoir de l’entreprise. Le télétravail contractuel progresse lui aussi de près de 50% alors que le télétravail non contractuel, qui reste majoritaire, concerne de son côté 21% des salariés.

Les travailleurs nomades ont de nouvelles attentes

Favorisées par l’arrivée de nouvelles générations de jeunes travailleurs (que l’on appelle « Génération Y »), de nouvelles exigences en faveur d’un meilleur environnement de travail apparaissent. Parmi elles, la volonté de :

  • Maîtriser davantage son propre équilibre de vie, assurer aussi bien sa vie personnelle que professionnelle. Travailler, ça ne veut plus forcément dire sacrifier à ses obligations familiales ou sociales. 73 % des télétravailleurs estiment que ce nouveau mode de travail délivre un impact positif sur leur propre hygiène de vie (source : Étude Michael Page)
  • Pouvoir jouir d’une flexibilité horaire : avec des temps de trajets à rallonge, mieux organiser ses plages horaires pour mieux travailler devient nécessaire.
  • Changer de bureau : l’apparition du flex office témoigne de l’envie de rupture de la routine et du train-train quotidien.
  • Entretenir un nouveau rapport avec sa hiérarchie : le présentéisme c’est fini, et favoriser un environnement de travail performant passe par plus de latitude et de prévenance de la part de l’employeur.
  • Acquérir davantage d’autonomie et de responsabilité
  • Évoluer dans un cadre de travail plus serein : le télétravail facilite la concentration pour 65% d’entre eux et influe positivement sur leur état de santé pour 54% des personnes interrogées (données Michael Page)
  • Pouvoir recourir au travail à domicile : travailler de chez soi c’est d’abord et avant tout… travailler !
  • Gagner en productivité : certains rituels d’entreprise – en particulier les réunions à rallonge – plombent certaines fois l’efficacité et la motivation des salariés
  • Réduire le temps passé dans les transports individuels et collectifs : en restant à la maison, les télétravailleurs consacrent logiquement plus de temps à leurs tâches, sans compter le gain non négligeable en termes de stress et de fatigue.

Le télétravail séduit aussi de plus en plus les entreprises

Mais l’aspirant télétravailleur n’est pas le seul à trouver des avantages au travail à distance.

Selon une étude récente menée par Malakoff Médéric, 92% des dirigeants d’entreprises jugent que le télétravail participe à une meilleure qualité de vie au travail ainsi qu’à une autonomie et responsabilisation accrue des salariés. 67% estiment également que le télétravail génère une plus grande efficacité au travail. Sur le terrain, de plus en plus de managers perçoivent les avantages concrets qu’ils peuvent tirer du télétravail :

  • La réduction automatique des arrivées en retard sur le lieu de travail, voire même de l’absentéisme : puisque la présence dans les locaux de l’entreprise n’est plus un prérequis pour ne pas travailler, autant réduire les effets induits par cette absence !
  • La réduction des frais et coûts associés à la présence des salariés : ménage, électricité et autres postes de dépenses
  • La performance accrue du bilan carbone de l’entreprise induite par le point précédent
  • La modernisation des modes de travail : laisser plus de liberté au salarié dans sa capacité à bien gérer son temps de travail, c’est faire le choix de nouveaux modes de management, fondés sur la confiance
  • Les gains de productivité des managers dans la délégation et le contrôle à distance du travail de leurs équipes
  • Le temps de travail effectif constaté : par définition, le télétravailleur travaille davantage ! Puisqu’il ne se déplace pas pour se rendre sur son lieu de travail, celui-ci gagne un temps précieux qu’il peut naturellement réinvestir dans son emploi du temps professionnel. Lorsque l’on sait que le salarié passe la plupart du temps plusieurs heures dans les transports, on mesure assez facilement le gain obtenu !

Le télétravail attire et fidélise les talents

Cet intérêt croissant des entreprises – de plus en plus ouvertes et impliquées sur le sujet – contribue à démocratiser cette pratique, et la possibilité de télétravailler est devenue un argument de poids pour attirer et fidéliser les talents, tout comme les salariés performants.

Une étude de Michael Page a montré que 64% des salariés ne bénéficiant pas encore de ce mode de travail souhaitaient pouvoir en bénéficier dans leur entreprise actuelle.

Pour les employeurs, il en va de leur image et de leur capital séduction ! Les plus rigides au changement apparaissent comme des sociétés « old school », peu à l’écoute des évolutions sociétales et des nouvelles demandes des salariés, notamment parmi les plus jeunes arrivant sur le marché du travail.

Mais les managers veulent un accompagnement sur ces nouveaux modes de travail

Les managers qui intègrent et expérimentent le télétravail sont globalement plutôt confiants dans les vertus de ce dernier. Ils restent cependant soucieux de maintenir un certain équilibre entre d’un côté la garantie d’une certaine qualité de vie au travail des collaborateurs, et de l’autre côté, le maintien d’une supervision et d’un contrôle continu de leurs performances. Le lien social et collectif à l’intérieur de l’entreprise reste une priorité et le risque du télétravail est, à leurs yeux, qu’il en altère la prégnance au sein même des bureaux.

De plus la garantie que les collaborateurs s’autodisciplinent implique selon eux davantage d’accompagnement. 85% des managers insistent sur la nécessité de mettre en place des actions de formation et de sensibilisation aux spécificités du télétravail, en lien notamment avec les nouveaux outils de travail à distance, dits de « communication et collaboration », les risques éventuels d’isolement, les bonnes pratiques à respecter (source : Télétravail, regards croisés salariés et dirigeants – février 2019)

Il en va de l’efficacité des salariés, mais aussi de la crédibilité de leur rôle même de personnel encadrant !

Pour 56% des dirigeants ayant instauré cette pratique au sein de leur entreprise, manager les collaborateurs à distance est la première des difficultés. Le management à distance, tout comme le management, n’est pas inné et s’apprend !

Avec l’ordonnance Macron, le cadre légal du télétravail évolue et s’assouplit

télétravail contractuel greenkub

Même si un quart des salariés français pratiquent aujourd’hui le télétravail (enquête IFOP janvier 2018), seulement 6% d’entre eux le font dans un cadre contractuel avec leur employeur.

Les ordonnances Macron entrées en vigueur en 2017 ont récemment assoupli le régime juridique associé au télétravail dans le code du travail, afin de permettre à ce mode d’organisation du travail en vogue de se démocratiser. Il est aujourd’hui légalement plus simple de télétravailler de manière ponctuelle ou même régulière selon les entreprises !

Le télétravail est conditionné parce que l’on appelle communément le double volontariat, c’est-à-dire l’accord de l’employeur et celui du salarié. Il peut être effectué à domicile ou dans un lieu de travail tiers, type espace de coworking. Il peut également être négocié dès la signature du contrat, ou ultérieurement pendant la période du contrat de travail.

Plus besoin d’avenant au contrat de travail

Pour pouvoir télétravailler, il était encore récemment nécessaire de signer un avenant à votre contrat de travail, stipulant votre droit d’exercer votre activité professionnelle en dehors des locaux de l’entreprise. Cet avenant, réversible à tout moment, ne se substituait déjà à aucun moment au double volontariat émanant du salarié et de l’employeur. Mais retenez qu’avec l’ordonnance Macron, il ne devient plus une nécessité absolue. Il est par contre, dans ce contexte, nécessaire de formaliser les jours de télétravail avec son supérieur, par mail le plus souvent.

Les accords collectifs posent le cadre.

A un échelon plus global au sein de l’entreprise, le télétravail est institué par un accord collectif ou par une charte mise sur pied par les ressources humaines, après consultation du CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail) sur le volet relatif aux conditions de travail.
L’accord ou la charte adoptés se doivent de préciser certains points importants, notamment :

  • Le listage des cas de recours au télétravail, qu’il soit régulier, occasionnel ou imposé par des circonstances exceptionnelles
  • La définition des horaires sur lesquels l’employeur peut contacter le salarié télétravailleur
  • Les conditions d’adoption inopinée du télétravail pour des événements (de moins en moins) exceptionnels de pollution d’air, dans un contexte où la préfecture s’engage à réduire les émissions de CO2
  • Les conditions d’adoption inopinée du télétravail pour des événements de canicule
  • L’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail
  • Les conditions dans lesquelles le contrôle du temps de travail et de la charge de travail peuvent s’effectuer

Mais les accords individuels finiront par s’imposer

Ces accords collectifs verront à l’avenir leur poids évoluer en fonction des entreprises, et il est probable que les accords individuels passés entre le salarié et son employeur viendront en quelque sorte prendre le pas sur ces accords globaux. En effet, la récente loi du 29 mars 2018 stipule que le recours à un accord collectif ou à une charte n’est plus une obligation pour la mise en application du télétravail régulier.

Attention, le télétravail n’est pas pour autant un droit inaliénable pour le salarié

Quand le salarié formule une demande de télétravail, son employeur peut se donner la possibilité de refuser. Par contre, lorsqu’il refuse d’accorder ce bénéfice à un salarié pouvant y prétendre selon les conditions prévues par l’accord collectif ou la charte en vigueur, ce dernier se doit d’étayer les raisons de son refus.

En dehors de tout accord ou de charte, sous réserve d’une interprétation juridique, l’employeur n’est par contre pas tenu de justifier son refus. Dans ces cas, la voie de la conciliation est à privilégier.
A l’inverse, le télétravail ne peut pas – sauf exception – imposer au salarié de télétravailler.

On télétravaille d’abord et avant tout de chez soi… grâce à Internet

Pour 92% des télétravailleurs, le domicile est le lieu principal où s’exerce le télétravail. Ce qui n’empêche pas le télétravailleur de pouvoir aussi travailler d’ailleurs.

La connectivité du poste de travail, les nouvelles possibilités offertes par le bureau virtuel, les accès aux réseaux d’entreprises via les VPN lui permettent d’accéder à ses données (fichiers, dossiers, boîte mail, applications…) à partir de sa seule connexion internet (sa connexion domestique) et un navigateur web. Cette connectivité permet d’envisager de travailler de son bureau personnel, de son salon, mais aussi d’un télécentre, d’un espace de coworking (assidument fréquenté par les travailleurs indépendants), d’un café, d’un restaurant, d’une bibliothèque, bref tout lieu proposant un accès à Internet. 21% des salariés pratiquent le télétravail dans un café ou un espace partagé.

Les grandes entreprises encouragent le flex-office et le desk-sharing

On voit en outre de plus en plus de grandes entreprises favoriser de nouvelles organisations du travail, fondées sur l’absence de bureau attitré, appelé “bureau nomade” ou encore “desk sharing”. Le principe : chaque matin le salarié peut choisir un bureau au hasard et y installer ses affaires, qu’il consigne le plus souvent dans un casier. L’objectif : briser la routine du bureau permanent, et initier de la nouveauté dans le quotidien du salarié.

Cette nouvelle flexibilité, combinée au home office est vivement encouragée par les entreprises, car elle permet de limiter le nombre de bureaux nécessaire, et de faire ainsi des économies d’espaces. L’immobilier étant l’un des premiers centres de coûts d’une entreprise, on comprend mieux cette volonté de promouvoir ces nouvelles organisations de travail !

Les vertus de la flexibilité

Un autre argument de poids plaidant en faveur du flex-office : il vient corriger les défauts de l’open-space. Dans un open-space, les collaborateurs ont beaucoup de mal à se concentrer, et ont l’impression d’être en permanence surveillés par leur supérieur hiérarchique. Le flex-office renverse cette logique en ouvrant les rangées de bureaux, en mettant à disposition des espaces de réunions, tout autant que des lieux pour s’isoler. Il devient en somme synonyme de liberté, d’autonomie, d’indépendance.

Le flex office a aussi ses limites… humaines et psychosociales.

Cette tendance est cependant contrecarrée par de multiples retours d’expérience mettant en exergue les limites de la pratique du bureau partagé. Le salarié ne peut en effet dans ces conditions plus jouir de son « bureau à lui ». Il ne peut plus s’approprier son petit espace au sein du plus grand espace de son entreprise. Chaque bureau, chaque poste de travail est intime et personnel, et porte les marques de l’appropriation que chacun des salariés s’en fait : post-its, mémos, photos, dossiers physiques, pot à crayon, décorations, pot de fleurs…

Cette « désappropriation » de l’espace donne le sentiment au salarié de moins faire partie de l’organisation qui l’emploie. Il ressent inconsciemment que son rôle et sa place sont amoindris par cette éradication des signes de sa présence.

La rotation permanente et aléatoire des bureaux altère tout autant l’esprit d’équipe et les relations informelles entre collaborateurs. En proposant ce type d’organisation de l’espace, les repères traditionnels se brouillent. Les personnes ayant l’habitude de travailler ensemble, d’échanger et de discuter ne peuvent plus vraiment le faire. Paradoxalement, ces nouveaux modes de travail peuvent être donc une source de risques psychosociaux, et contrairement à l’effet attendu, provoquer des contextes très éloignés d’un environnement de travail dynamique.

Le télétravail dans les autres pays européens

Et qu’en est-il dans les autres pays en dehors de la France ? Sommes-nous en retard sur nos voisins en matière de télétravail à domicile ? Pas tant que cela, à en croire les résultats d’une étude menée par Wrike, éditeur de gestion de projets collaboratifs. Il semblerait même que la France soit mieux lotie que d’autres pays européens.

En France, 29% des entreprises autorisent leurs employés à travailler de chez eux, alors qu’on en dénombre 33% en Allemagne et 48% en Grande-Bretagne. Par contre, 18% de celles qui le permettent autorisent leurs salariés de le faire sans limites, et 50% en contrepartie de quelques conditions, ce qui est bien mieux que l’Allemagne ou la Grande-Bretagne. On dénombre en outre plus de salariés réfractaires au télétravail dans ces deux derniers pays qu’en France.

D’autres pays montrent la voie d’un travail à distance très développé

Selon une étude menée par Morar Consulting / Polycom, deux tiers des salariés dans le monde télétravaillent occasionnellement ou régulièrement. Parmi les pays leaders, le Brésil où 80% des salariés travaillent régulièrement de leur domicile ou dans un lieu tiers (au café, dans un parc). Mais aussi l’Australie et l’Inde, où près de 43% travaillent régulièrement à distance.

A contrario, des pays tels que le Japon ont peu recours au télétravail, notamment par l’effet d’une culture forte de l’implication au travail. Bien travailler et être présent dans les locaux de l’employeur sont deux choses intrinsèquement liées.

La France apparaît donc à un bon niveau, mais l’étude nous apprend également que les salariés français sont les plus nombreux à affirmer que leur entreprise ne leur propose pas du spontanément d’opter ponctuellement ou régulièrement pour une modalité de travail flexible.

L’âge est un autre facteur clé d’adoption du télétravail

Toujours selon l’étude mentionnée plus haut, 70% des 18-30 ans optent de manière régulièrement pour le télétravail, là où ils sont seulement 50% pour les 45-60 ans. Un écart qui s’explique à la fois par la propension des plus jeunes à réclamer plus de nomadisme, mais aussi par les secteurs représentés dans cette catégorie de population. Parmi eux, les nouvelles technologies, qui à l’instar des modèles forgés par les GAFA et les startups, privilégient fortement le nomadisme comme mode de travail et de collaboration dominant !

Conclusion : optez pour le télétravail qui vous convient le mieux !

Une chose est sûre : que vous soyez pour ou contre le télétravail, il vous est déjà forcément arrivé de le pratiquer de manière volontaire ou forcée ! Même si vous appréciez pouvoir retrouver chaque jour celles et ceux qui partagent votre quotidien, le fait de pouvoir de temps à autre travailler de chez vous est quelque chose de forcément appréciable.

Les aléas sociaux ou climatiques rendent parfois le trajet jusqu’à votre lieu de travail assez pénible. Beaucoup de professions souffrent de ces imprévus qui plombent leur journée de travail. Certaines personnes, notamment les mères de famille, les travailleurs désireux de gagner en autonomie et en efficacité, des salariés en situation de fragilité personnelle sont plus enclins à découvrir rapidement les vertus de ce nouveau modèle.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il est important pour vous de bien vous connaître et d’identifier ce que le télétravail est susceptible de vous apporter dans votre travail. On se connaît en général assez bien au sein d’une entreprise, moins dans un contexte de travail nomade ! Mais il est certain que ces nouveaux modes de travail à distance sauront forcément vous apporter de nouveaux atouts dans votre carrière, tout autant que dans votre vie personnelle. Et c’est finalement là l’essentiel !